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« Plus d’opportunités et moins d’enracinement engendre une force de désaffection ». Interview d’Hervé Postic

Hervé Postic est CEO du cabinet UTSIT, Corporate-to-Bank and Treasury Information Systems.

On parle beaucoup de différences entre les générations en ce moment, et vous dirigez essentiellement des jeunes, cela nous intéresse ! Vous avez déclaré en 2012 « Nous préférons recruter des jeunes directement au sein de leur école afin de les former nous-mêmes ». Pourquoi cette préférence ?

Le métier de consultant est assez singulier quant à ses codes, ses modes de fonctionnement. Il est plus facile, quand on sort de formation initiale, de continuer sur sa lancée et d’accepter d’avoir encore beaucoup à apprendre. Cela rend les jeunes plus faciles à intégrer. D’autre part nos « anciens », consultants expérimentés aiment la jeunesse, sont passionnées par former, instruire, voir progresser.

On parle de la vieille génération qui serait « out », de la génération du milieu qui est totalement harassée et des jeunes qui attendent de pouvoir proposer les idées. Qu’en pensez-vous ? Êtes-vous d’accord avec ce genre d’affirmation ?

Je pense qui ce qui caractérise les jeunes par rapport à la génération à laquelle j’appartiens, est qu’ils vivent dans un monde beaucoup plus ouvert que celui dans lequel nous avons commencé. Nous n’étions pas portés sur les langues étrangères, nous regardions peu de séries (que nous  appelions « feuilletons ») en anglais, voir un film en VO était réservé aux chanceux du quartier latin. Nous vivions dans un monde beaucoup plus fractionné. Les jeunes générations sont habituées à manier plusieurs opportunités en même temps, alors que nous ça peut nous perturber. En tout cas, nous n’avons pas eu cette habitude.

La 2ème caractéristique est que la culture générale des jeunes, devenu moins profonde, et donc plus superficielle. Aujourd’hui, nous sommes surinformés mais la culture générale, qui permet le discernement, manque profondément. Se situer dans le temps et dans l’espace produit un enracinement, des relations et des solidarités verticales (le temps) et horizontales (l’espace), ce qui est absolument fondamental pour discerner et réfléchir. Plus d’opportunités et moins d’enracinement engendrent une force de désaffection.

Dans le métier que nous faisons, il faut aider les jeunes à aller au fond des choses. Il est très facile de se contenter des commentateurs mais intellectuellement plus intéressant d’aller au fond du texte de référence même si c’est plus exigeant.

On dit aussi que les jeunes sont infidèles. C’est sans doute assez faux ! Les entreprises ont été les premières infidèles en licenciant leurs parents. On a forcément une réticence au monde de l’entreprise quand on a vu son père au chômage à 50 ans. Les jeunes sont probablement moins naïfs vis-à-vis des grandes entreprises, ils sont aussi beaucoup exigeants de réciprocité.

A quels challenges faîtes-vous face avec la jeune génération en tant que manager ?

Je ne trouve pas qu’il y ait des caractéristiques négatives propres à la jeune génération. A part la culture générale qui est déficiente comme l’orthographe ou le calcul mental. La forme d’impatience que l’on peut rencontrer avec eux est une envie d’avancer plus vite, c’est donc une impatience positive !

Avez-vous des méthodes particulières de management avec eux ?

Pas spécialement, notre équipe est forte d’une petite vingtaine de personnes et en son sein l’autonomie et la confiance sont essentielles, la responsabilité aussi, car il n’y a pas de liberté sans responsabilité, ce que les jeunes comprennent fort bien, peut-être parfois mieux que certains de leurs aînés bercés d’années d’état-providence. Dans une petite entreprise comme la nôtre, il n’y a pas de problème de génération.

La Génération Y aurait des exigences spéciales en matière de management ?

On attribue à un éternel conflit de génération une valeur particulière, mais cela a toujours existé. Quand les gens étaient par éducation assez obéissants il n’y avait pas besoin de manager, juste de commander, mais était-ce mieux pour autant ? Il n’y a pas de difficultés particulières, juste que les anciennes méthodes n’étant plus les bonnes, il convient d’en changer. La jeune génération demande qu’on la responsabilise, qu’on ne lui cache rien, ce qui est finalement assez légitime et plein de bon sens. Notre génération y état moins habituée, elle doit faire son aggiornamento. Nous arrivons à un mode de management beaucoup plus participatif, nécessitant l’adhésion au projet d’entreprise, qui doit de ce fait être clair et attrayant.

Quels conseils donneriez-vous à un jeune entrepreneur qui souhaite s’entourer d’une jeune équipe ?

D’être proche sans être démago. Je suis le seul à être vouvoyé dans l’entreprise, habitude de l’âge et choix personnel, et c’est très bien ainsi. Mais pour autant je n’y vois pas un dogme, simplement une manière d’être qui me correspond. Je ne crois pas non plus qu’il faille être « ami » avec ses collègues quel que soit leur âge, mais développer une affection professionnelle, une confraternité. On peut ainsi avoir des relations qui ne sont pas strictement professionnelles tout en gardant une juste distance. Par exemple au cours de nos séminaires, je ne reste pas systématiquement tard. Je laisse ainsi les jeunes entre eux, j’ai d’autres responsabilités et ils le voient aussi.

Il n’y a pas de bonne théorie de management à part d’aimer les gens. Quand on manage par la terreur c’est que l’on n’aime pas. Il y a aussi les gens avec qui on a plus d’affinités, avec qui ce sera plus facile, alors qu’il faudra faire preuve de plus de patience avec d’autres. Mais aimer les gens est le plus important.

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