Qu’est-ce que la mémoire ?
Vous souvenez-vous du lieu de vos dernières vacances ? De la date de la révolution Française ? Ou de comment conduire un vélo ? Bien sur ! Maintenant, êtes vous capable de citer dans l’ordre vos rois de France ? Ou de réciter le théorème de Pythagore ? Non ? Pourtant nous l’avons tous appris par cœur à un moment donné. Mais pour pouvoir profiter de ce que l’on a appris, encore faut-il pouvoir s’en souvenir ! Les informations que nous recevons et qui proviennent de tous nos sens, que ce soit l’ouïe, le toucher, la vue, l’odorat ou même le goût doivent être encodées et rangées dans notre cerveau pour que nous puissions les récupérer au moment opportun. La mémoire est une pièce maitresse dans la quasi totalité de nos processus mentaux. Elle contribue à nous rendre humain. La mémoire est le processus qui nous permet de conserver l’information à travers le temps. Sternberg la défini comme « le moyen par lequel nous puisons dans nos expériences passées pour utiliser cette information dans le présent ». Cette dernière nous est essentielle car sans mémoire du passé nous ne pouvons pas opéré dans le présent ni même imaginer notre future. Sans elle, l’apprentissage nous serait donc impossible.
La mémoire est étudiée par l’Homme grâce aux sciences et à la philosophie depuis des milliers d’années. De nos jours cela reste un sujet majeur pour les sciences cognitives et en particulier la psychologie.
Mais comment définit-on la mémoire exactement ? Comment se forme t-elle ? Lorsque nous parlons de mémoire nous nous référons aux processus qui permettent d’acquérir, de classer, de garder et plus tard de retirer des informations. Cela implique trois processus majeurs : « L’encodage » qui transforme l’information brut en une forme exploitable par notre cerveau, « le stockage » qui nous permet d’organiser et de garder les informations en arrière plan hors de notre conscience. Et « la récupération » qui nous permet d’aller retirer l’information voulue le moment venu en la faisant passer dans notre conscience.
Les systèmes de mémoire
Pour comprendre un peu mieux les processus impliqués, nous allons nous pencher sur les différentes phases et systèmes rentrant en jeu dans le fonctionnement de la mémoire. Différents modèles et théories se confrontent et parfois se complètent en psychologie lorsqu’il s’agit d’expliquer les mécanismes de notre mémoire. L’un des modèles les plus vastement utilisés est le Modèle Modal de la Mémoire de Atkinson and Shiffrin (1968). Cette théorie distingues trois stades de mémoire : le registre sensoriel, la mémoire à court terme et la mémoire à long terme.
Mémoire sensorielle : C’est la phase la plus précoce de la mémoire. Pendant cette phase l’information sensoriel venant de l’environnement est stockée pour une période très brève (entre une demi seconde pour une information visuelle et 4 secondes pour une information auditive). Ici, seuls certains aspects de l’information sensorielle est traité pour pouvoir passer à la phase suivante : la phase de la mémoire à court terme.
Mémoire à court terme : Aussi connu sous le nom de mémoire de travail. Ce sont les informations dont nous sommes conscient dans le présent. Sa capacité de stockage est limitée à environ 7 éléments. A ce stade, les informations peuvent rester jusqu’à 30 secondes. La mémoire à court terme est la mémoire du présent que nous sollicitons à chaque instant. La plupart des informations qui passent dans la mémoire à court terme sont rapidement oubliées, car seule une attention active et un processus de répétions leur permettront d’avancer vers la phase suivante : la mémoire à long terme.
Mémoire à long terme : c’est le stockage continu de l’information. Deux principaux processus permettent à l’information d’arriver à ce stade : L’autorépétition de maintien qui consiste à se répéter mentalement l’information afin de l’apprendre et l’autorépétition d’intégration qui consiste à associer la nouvelle information à une autre déjà connue afin de la retenir plus facilement.
A ce stade, l’information est stockée en dehors du champ de la conscience mais peut-être rappelé lorsque l’on en a besoin avec plus ou moins de facilité. . Il n’y a pas de limites connues à la capacité de stockage de la mémoire à long terme. Trois grands systèmes se démarquent ici:
- La mémoire sémantique qui contient nos connaissances générales sur nous même (notre biographie, notre personnalité) et sur le monde (actualités, sciences, histoire, géographie, etc.) que nous sommes capable d’exprimer. C’est la mémoire de la connaissance et du savoir. Elle contient notre lexique verbal.
- La mémoire épisodique qui stock les évènements de notre vie personnelle survenus à un moment précis. Elle nous permet de prévoir le lendemain. L’information est enregistrée dans un contexte affectif. Avec le temps les souvenirs liés à cette mémoire ont tendance à s’amalgamer et à perdre en précision pour devenir des connaissances plus générales
- La mémoire procédurale nous permet d’accomplir les taches automatiques, qu’elles soient physiques ou mentales. C’est elle qui nous permet de marcher, de faire du roller, du ski ou du vélo sans devoir recommencer l’apprentissage à chaque fois. Cette mémoire est dite « implicite » car ces informations ne peuvent pas réellement être expliqués même si elles sont utilisées.
- Il est à noter qu’un même évènement peut faire intervenir plusieurs systèmes de mémoire simultanément. Par exemple un simple mot tel que « orange » peut convoquer de nombreuses notions (fruit, couleur, odeur, gout, service de téléphonie, etc.) Les différents systèmes sont donc interconnectés et fonctionnent en réseaux.
Mémoire et cerveau
On ne distingue pas de zone particulière de stockage des souvenir dans le cerveau. Les étude récente pointent le rôle de l’hippocampe dans le trie des informations pertinentes à être mémorisées, mais les souvenirs sont stockés de façon durable dans différentes zones du néocortex. Cette diffusion de l’espace de stockage s’explique par les mécanismes biologiques entrants en jeu. En effet, les synapses et les axones qui permettent aux neurones de communiquer entre eux ont une plasticité importante et sont donc capables de se remodeler et de se renforcer en nombre et en qualité sous l’effet de l’apprentissage. L’intégration de nouvelles informations (souvenirs) nous permet donc de tisser de nouveaux circuits neuronaux et d’améliorer nos performances. Plus un neurone est sollicité, plus il gagne en efficacité. Les messages (signaux électriques) sont alors mieux transmis et plus rapidement. C’est aussi ce qui explique que la mémoire à long terme est un espace de stockage illimité.
L’Ancrage de nouvelles informations
Si l’on vous demande quelle image se trouve au dos d’un billet de 5€ seriez-vous en mesure de répondre ? Pourtant vous en avez surement manipulé des centaines ! Cet exemple nous montre bien que l’exposition répétée même un grand nombre de fois à une information n’est pas suffisante pour l’ancrer dans la mémoire. D’autres critères essentiels sont à prendre en compte. On distingues 3 clés qui permettent l’ancrage durable de l’information : la perception, l’attention et la motivation.
Perception : La perception met en jeu la qualité de l’information ou de son support (un texte peu lisible, un message orale difficilement audible, une information partielle ou fragmentée, etc.) mais aussi la qualité de nos propres sens par lesquelles passent les informations et qui peuvent être altérés par certain éléments (médicaments, drogues, alcool, stress, fatigue, etc.)
L’Attention : La condition sine qua non pour ancrer une information est l’attention. C’est l’attention portée à une information qui lui permet de passer les différentes phases de la mémoire et de venir s’ancrer dans la mémoire à long terme. Cependant, elle demande un effort cognitif important. Pour faciliter l’attention sur une information particulière il faut tenter d’éliminer au maximum les parasites et distractions alentours.
Motivation : Attention à ne pas sous évaluer l’effet de la motivation sur l’apprentissage. La motivation intrinsèque (l’envie de retenir une information, d’apprendre une nouvelle chose, etc.) à une place importante dans l’ancrage de l’information mais les facteurs extérieurs (félicitation, encouragement, gratifications, etc.) ne doivent pas être négligés.
La façon d’encoder l’information joue aussi un rôle capitale sur la pérennité du souvenir. Les plus éphémères sont souvent les souvenirs sensoriels et en particulier les souvenirs olfactifs. Il est très difficile de se souvenir d’enregistrer une nouvelle odeur. . A l’inverse, une odeur qui nous est très familière peut provoqué l’émergence de multiples souvenirs. La seconde mémoire la plus éphémère est la mémoire lexicale. Si les idées peuvent être efficacement rappelées, notre mémoires des mots n’est que très peu fiable passé une semaine. Viennent ensuite les images puis les informations sémantiques qui sont les plus tenaces et ancrées car elles sont porteuses de sens. Le traitement sémantique permet donc de stocker l’information de façon plus pérenne.
Quelques conseils
- Il est plus aisé d’accéder à une information stockée en mémoire lorsque qu’il y a au moment où l’on cherche à la retrouver des signaux similaires aux conditions dans laquelle nous l’avons enregistrée.
- Si l’on doit retenir beaucoup d’informations, il est conseillé d’échelonner les périodes d’apprentissages car les phases de repos permettront aux nouveaux souvenir de se consolidés
- Le sommeil tient une place prépondérante dans la mémorisation et l‘apprentissage car il rend possible la consolidation des souvenirs. Il permet de sélectionner les informations à enregistrer et celles à oublier. De bonnes nuits de sommeil sont donc à privilégier en période d’apprentissage intensives.
- Enfin, l’ajout d’un contexte émotionnel permet un meilleur ancrage de l’information. Mais attention, si la légère excitation d’un challenge peut s’avérer bénéfique, un stress trop important peut lui être contre productif et provoquer des blocages