L’essor de l’Intelligence Artificielle et des mégadonnées offre désormais des perspectives nouvelles de développement économique. Rencontre avec Grégory Serrano, cofondateur d’Invenis, un logiciel qui utilise l’IA et le Big Data pour analyser les données.
Big Data, Intelligence Artificielle… Actuellement, ces termes intriguent, interrogent, et effrayent même par leurs inconnues. Dans le monde de l’entreprise, à quels types d’enjeux ces technologies répondent-elles ?
Il faut d’abord comprendre que la data en général n’a rien de nouveau : cela existe depuis toujours. Il s’agit seulement d’un autre mot pour dire « information ». De tout temps, l’information aide à communiquer, mais aussi à prendre des décisions. Il en va de même avec la data. Grâce à elle, une personne, une entreprise, une organisation… fait des choix en connaissance de cause. Auparavant, les données étaient difficiles à communiquer. Or depuis une cinquantaine d’années, avec l’évolution de l’informatique et l’arrivée d’Internet, il devient non seulement facile de les stocker, mais aussi de les partager. Et au sein des entreprises, il y a beaucoup d’informations très riches, notamment celles portant sur les clients. Toute cette data qui vient des consommateurs a une valeur particulière : elle permet notamment de proposer le bon produit au bon moment à la bonne cible via le bon canal de communication. C’est le métier d’une société : concevoir et vendre un maximum de biens et/ou services qui correspondent aux attentes des clients et ainsi augmenter leur satisfaction. Afin de remplir cet objectif, l’équipe marketing d’une entreprise récupère des informations précises, entre autres sur les bases de données CRM. Ces infos permettent de mieux comprendre le comportement, les besoins, les envies des clients, et de leur proposer une offre adaptée. Nous pouvons citer d’autres cas d’usage tout aussi répandus comme la maintenance prédictive, l’optimisation de processus ou de flux / stocks etc.
Ensuite, il y a data et BIG data : les technologies, mais aussi le volume des données, ont énormément évolué ces dernières années. Il y a de plus en plus d’éléments à traiter, même trop. Les anciennes techniques ne permettent pas d’analyser ces quantités toujours plus énormes d’informations. Technologiquement parlant, il a fallu innover.
Ce qui nous amène à l’intelligence artificielle : il s’agit d’algorithmes mécaniques de gestion et de réflexion, créés par l’homme, mais pas directement liés à lui.Ces programmes permettent à un ordinateur de traiter automatiquement et judicieusement les problématiques, sans intervention humaine. L’IA aide donc à faire des travaux en masse, intelligents, descriptifs et prédictifs. À noter cependant : sans data, pas d’Intelligence Artificielle. Il faut nourrir les algorithmes avec de la donnée.
Pour résumer, la data et les nouvelles technologies aident les entreprises à prendre des décisions éclairées.
Qu’est-ce qu’Invenis propose comme solutions aux problématiques qui émergent du Big Data ?
Nous avons créé Invenis, un logiciel d’analyse de données, fin 2015. Aujourd’hui, soit vous faites du traitement data relativement simple (Business Intelligence traditionnelle), mais alors vous êtes limité parce que vous ne pouvez pas traiter de gros volumes, ni utiliser les algorithmes de prédiction… Soit vous avez accès à des technologies Big Data IA, mais qui sont très complexes. Elles nécessitent l’aide de prestataires spécialisés ou, pour les entreprises suffisamment importantes, d’équipes de data scientists. Le problème, c’est qu’il y en a très peu. De fait, leur expertise coûte chère.
Nous sommes les premiers à proposer une solution de business intelligence qui intègre les technologies Big Data et IA, suffisamment simple pour que chacun soit capable de l’utiliser. Le vrai sujet, c’est de démocratiser l’accès à ces technologies-là, afin que toutes les équipes métier puissent analyser tous types de données et faire des analyses intelligentes sans être un expert informatique.
À terme, cela ne risque-t-il pas d’impacter le métier des data scientist ?
Bien au contraire. La profession en tant que telle est relativement récente. Les Data Scientists sont des experts, de super-experts. Leur cœur de métier, ce n’est pas de nettoyer ni de créer des data sets. Leur travail consiste à constituer des algorithmes, ou à les utiliser pour les rendre les plus performants possibles. Nous avons pris l’habitude de leur faire traiter des données sur les bases clients, alors que c’est le métier d’un business analyst. Nous avons donc repris le concept de « Citizen Data Scientist », lancé en 2015 par le cabinet Gartner : il s’agit du business analyst, voire des équipes métiers, qui va pouvoir faire le même travail qu’un Data Scientist sans en avoir les compétences. Comment ? En utilisant des logiciels comme Invenis, qui permettent de faire ces analyses de données compliquées, sans avoir la complexité de ces nouvelles technologies. Cela rend également service au Data Scientist, puisqu’il va pouvoir se concentrer sur son cœur de métier.
Comment la data permet-elle d’améliorer la performance business ?
La performance business se base principalement sur la baisse des coûts ou sur l’augmentation du chiffre d’affaires. Prenons l’exemple d’un industriel qui fabrique disons… des bouchons. Il en fait plusieurs centaines de millions par an. Il a donc des chaînes de fabrication : entre la donnée en entrée1et la donnée en sortie2d’une chaîne, on fait une corrélation. Ensuite on joue avec les variables en entrée et on voit quel résultat en sort. Cela va permettre de faire baisser les coûts. Pourquoi ? Parce que grâce à l’Intelligence Artificielle, nous réussissons à déterminer les variables qui ont le plus d’importance, et donc à les modifier pour passer par exemple de 10% à 5% de taux de déchet. Autre exemple, nous travaillons actuellement avec une entreprise qui fait remonter en masse des données de ses chantiers. Ces informations-là vont permettre d’optimiser leurs travaux, l’utilisation des machines, des process, etc.
Aujourd’hui, est-il encore possible de booster son entreprise sans axer sa stratégie autour de la data ? Ou est-ce devenu essentiel ?
Évidemment, il n’y a pas que la data pour faire fonctionner une entreprise. Sauf que traiter la donnée n’est pas nouveau. Ce qui l’est, c’est le volume, la valeur de ces informations, la façon de les étudier. Mais depuis toujours, un chef d’entreprise ou tout autre responsable métier traite la donnée. Nous le faisons tous, tous les jours, ne serait-ce que pour choisir une direction. Le traitement de données n’est ni plus ni moins que de l’aide à la prise de décision. Il se trouve que nous avons accès à plus d’informations et que nous avons davantage de moyens pour les analyser. Aux Etats-Unis, les entreprises Data Driven3se développent huit fois plus vite que la moyenne. Les entreprises qui établissent des stratégies orientées sur l’exploitation de la data ont donc toutes les chances de devenir leaders sur leur marché. En effet, cela aide à mieux piloter son business, tant sur les coûts que sur les performances.
Ce qui compte, c’est l’usage. La data et l’IA, sans innovation d’usage, n’ont aucun intérêt. Il s’agit de se demander « à quoi ça sert ? » et non « comment ça marche ? ». Les entreprises doivent comprendre et accepter le « à quoi ça sert ? ». À savoir : l’aide à la prise de décision pour un business plus performant.
Dans quels secteurs d’activité une entreprise a-t-elle le plus besoin d’exploiter la data ?
Tout le monde en a besoin de manière générale. Mais il y a effectivement des secteurs pour lesquels c’est essentiel. Avant de les citer, essayons de comprendre pourquoi : un des premiers critères, c’est de se demander quelle est la maturité digitale du domaine concerné. C’est bien d’en avoir besoin, et même d’en avoir envie, mais si vous n’avez pas les systèmes d’information nécessaires, ou même l’environnement légal ou réglementaire, cela s’avère compliqué. Le second critère : avoir de la donnée et un besoin opérationnel immédiat.
Pour citer les quatre/cinq secteurs les plus en phase d’après IDC4, il y a d’abord le Retail, notamment avec le e-commerce : il y a tellement d’informations exploitables que c’est une gageure de croire que cela n’a pas d’intérêt. Tout le monde parle des pure players5, mais ceux que l’on appelle les « brick- and-mortar » en ont plus que jamais besoin. Vient ensuite l’industrie : industrie de transformation, d’extraction traditionnelle, manufacturing… et par extension les objets connectés (qui remontent énormément de données). Suit le monde bancaire, où se trouvent beaucoup de renseignements mais deux contraintes : le cadre réglementaire et la maturité SI7. Nous pouvons citer également la défense et la sécurité, ainsi que les organisations gouvernementales. Ces dernières se sont rendues compte d’un vrai besoin en termes de transformation digitale. Cela passe notamment par des programmes, des process d’innovation. Enfin il y a la santé. Ce secteur a un fort potentiel car il en ressort beaucoup d’informations importantes, voir vitales, et un grand besoin de mettre la data au cœur de son activité pour répondre aux besoins des patients.
Invenis :
www.invenis.co
@invenis_co
Clémence d’Halluin
2. Données en sortie : toutes les infos qualité.
3. Entreprise Data Driven : entreprise « pilotée par les données », qui s’appuie sur l’analyse des données à sa disposition pour prendre des décisions et orienter son évolution.
4. IDC : International Data Corporation, premier groupe mondial de conseil et d’études sur les marchés des technologies de l’information.
5. Pure player : acteur exerçant son activité commerciale uniquement sur internet.
6. Brick and mortar : par opposition au pur player, entreprise de vente traditionnelle.
7. SI : système d’informations. Par « maturité SI », entendre des systèmes d’informations adaptés, à jour et performants.